🕑04 août 2020
Droit du travail: peut-on forcer un salarié à poser des jours de congés ?
Cette question reste plus que jamais d'actualité car ceci peut vous arriver ; nous avons récemment
entendu, de nos propres oreilles, un Roc dire fièrement, concernant un salarié qui lui confiait
son état de grande fatigue physique et morale:"je l'ai mis en congé".
Il eut été plutôt de bon aloi de lui conseiller au préalable de consulter son médecin.
Me Emmanuel Gayat, spécialiste en droit du travail au barreau de Paris a le mérite de rassurer
immédiatement. "Le but d'un congé payé, c'est quand même que l'employé en profite, chose
impossible si on lui impose une date au dernier moment, à fortiori le jour-même".
Des responsables peuvent suggérer aux distributeurs de se mettre en congés pour cause d'insuffisance de travail ou autre, mais en aucun cas les y obliger.
L'avocat le rappelle, de base, l'employeur n'a de toute façon pas le droit de toucher aux dates de
congés payés.
Car oui, en France, les congés sont sacrés !
C'est le salarié qui a l'initiative de ses congés. C'est à lui de proposer les dates qu'il souhaite et en aucun cas à l'employeur de les fixer. Par contre, le salarié doit poser ses congés, et l'employeur y veillera, au moins 1 mois avant la date de départ, avec obligatoirement au minimum 3 semaines,
dont 2 consécutives et 4 maxi durant la période dite d'été, 1er juin-31 octobre.
Le seul pouvoir, discrétionnaire, de l'employeur : accepter ou refuser les dates proposées.
Normal. Si la majorité des salariés souhaitent partir en même temps, il ne reste plus qu'à fermer
la boutique. D'où l'utilité de poser ses congés suffisamment tôt afin de permettre la planification
des départs sans entraver le bon fonctionnement de l'entreprise.
Exception : loi d'urgence Covid, Adrexo nous oblige à prendre les congés restants de l'exercice
précédent avant le 30 septembre, date d'échéance du chômage partiel.
Autre exception:les entreprises qui ferment à des périodes de l'année, comme certains dépôts ;
dans ces cas-là, l'employeur peut alors forcer les employés à poser des congés durant les jours de fermeture, et c'est compréhensible. Mais il faut, en tout état de cause, prévenir le personnel longtemps à l'avance, minimum un mois, et c'est également compréhensible.
Mais encore une fois, la doctrine tricolore est simple : touche pas à mes congés.
Mais que reste-t-il alors aux patrons dans toute cette affaire ?
Ce droit pour les salariés est fort appréciable. Mais, avec notre bienveillance, nous pensons aux patrons. Comment faire lorsque l'activité professionnelle ne peut fonctionner, indépendamment de leur volonté, faute de travail ? Doivent-ils payer leurs salariés dans le vide faute de pouvoir les mettre en congés? Absolument pas.
Tout est prévu pour cette éventualité . La mesure est simple ; si l'employeur constate que l'activité professionnelle de son entreprise ne peut s'exercer correctement, comme par exemple actuellement
avec la baisse du volume en publicités, alors il doit mettre les salariés en activité partielle, appelée
"chômage partiel", Il sera, qui plus est, indemnisé par l’État. D'autant plus qu'Adrexo a déposé une
demande dans ce sens valable jusque fin septembre.
Mais attention au piège de la solution de facilité : "vous n'avez pas de distribution la semaine prochaine, vous restez chez vous". OK, mais vous devez être payés, car contrat de travail à tant d'heures semaine. Certains se sont retrouvés en "absence injustifiée" ou en "congés sans solde".
En résumé, rassurez-vous, vos congés payés sont pratiquement intouchables.
Pratiquement, car, nous l'avons vu, le seul pouvoir patronal, accepter ou refuser les dates posées .
Le droit est censé protéger les salariés en matière de congés, mais par le biais de refus successifs,
un patron peut toujours arriver à ses fins.
Par exemple, je souhaite prendre 4 semaines de congés en juillet, mon employeur préfère août.
Je pose mes congés fin mai, un mois à l'avance, pour juillet. Refusé !
Je pose alors 4 semaines pour faire les vendanges en septembre. Refusé.
Je pose ensuite 4 semaines en octobre pour chasse à la palombe et cèpes. Refusé.
Il me reste donc août. Naturellement Accepté.
Moralité: d'une façon ou d'une autre, s'il le veut, c'est toujours notre patron qui gagne, en détournant l'esprit des lois, de la convention collective et des accords !
Mais FORCE OUVRIÈRE veille au grain !