CHRONIQUES JUDICIAIRES : ACCUSÉ LEVEZ-VOUS !!! (par notre correspondant local)
Nous sommes le jeudi 16 novembre.
À 14h, j'entre dans le hall du Tribunal de Bayonne car je suis curieux de voir comment notre ex-collègue Jacques Comets, ex-trésorier du CSE et ex-DSC (délégué syndical central CFE/CGC) va se dépêtrer de son histoire, lui qui est cité par le CSE à comparaître pour abus de confiance.
21 heures, ouf, c'est pour nous. La salle est vide. À gauche, M.Comets qui pendant toute la journée a évité mon regard, et son avocate. À droite l'avocat CSE, un gars fort sympa, et moi-même. En face la présidente, ses 2 assesseures, la greffière, le ministère public et la pendule qui égrène le temps.
Accusé, levez-vous !
La présidente : il vous est reproché abus de confiance en votre qualité de trésorier du CSE de 2016 à 2021 durant laquelle vous avez touché 142.000€ de remboursements frais.
Vous avez aussi acheté une valise et des vêtements aux Galeries Lafayette, sur le compte du CSE?
Le prévenu : c'était un cartable à roulettes pour porter mes documents. Les vêtements, dans ma fonction de trésorier, j'en usais beaucoup. (trésorier, ça use ça use!!!)
La présidente : vous avez également retiré pour 4.340€ en espèces au distributeur du Casino de Salies de Béarn. Pourquoi donc ?
Le prévenu : c'était une avance sur mes nombreux frais.
La présidente : mais vous bénéficiiez déjà d'une avance trimestrielle de 2.100€ !
Le prévenu : oui, mais je prenais une avance sur l'avance insuffisante.(la présidente sourit).
La présidente : mais pourquoi au Casino de Salies, il n' y a donc pas de distributeurs plus près ?
L'avocate de la défense: parce que c'était sur son chemin, alors il s'arrêtait retirer un peu de monnaie pour s'offrir un café ou un sandwich. (Rires camouflés de la présidente et des assesseures, ça fait cher du café).
La présidente : en 2019, vous avez perçu 6.300€ par mois de frais non imposables, ce qui ajouté à votre salaire de 3.000€, vous faisait 9.300€ de revenus mensuels. Comment expliquez-vous un tel montant ?
Le prévenu, qui commence à se décomposer, tente d'expliquer en bafouillant : 2019 était une année très compliquée. L'entreprise connaissait d'énormes difficultés, il y avait du tiraillement entre les syndicats. Alors, en ma qualité de trésorier, j'organisais les réunions préparatoires à travers la France dans les villes les plus appropriées, je cherchais l'hôtel, le restaurant, j'allais au tribunal, je faisais le secrétariat, les comptes, avec de nombreux déplacements en visite dans les centres.
La présidente : et combien de kms faisiez-vous par mois ?
Le prévenu : je ne sais pas, beaucoup . (d'après notre calcul:16.000)
La présidente : avec votre véhicule personnel ?
Le prévenu : oui, et d'ailleurs j'ai des attestations qui confirment (attestation de Miranda, nouveau DSC mis en place par Comets avant sa démission, entre copains la solidarité s'impose!)
La présidente : qui contrôlait les comptes ?
Le prévenu : les comptes étaient validés par le commissaire aux comptes.
Entre en lice notre avocat (CSE).
En 2019, Mme la présidente, M.Comets préparait les élections de février 2020, et il visitait les centres en campagne électorale avec sa double casquette, de trésorier du CSE, et de Délégué Central et il se permettait donc de se faire rembourser les frais par le CSE, par l'entreprise et par son syndicat, alors qu'il bénéficiait d'un véhicule de fonction tous frais payés.
Qui plus est, d'après le règlement intérieur que M.Comets a signé, regardez, c'est bien sa signature qui est apposée au bas du document, les frais sont limités à 100km de déplacements.
Au-delà c'est soit le train, soit l'avion.
De plus, le trésorier n'a pas le droit de dépasser son avance trimestrielle de 2.100€.
Et, comique, il a avoué avoir retiré 6.900€ à Salies, et non 4.340. Le prix du café avait augmenté !
Finalement, pour M.Comets qui s'offrait un café en passant devant le casino, sa fonction de trésorier à double casquette c'était le jackpot de la machine à sous : je paie mes frais avec la carte du CSE que je détiens, je me fais rembourser ces mêmes frais par le CSE dont je maîtrise les finances, et par mon syndicat dont je maîtrise également les finances, tout en roulant avec un véhicule de fonction.
Donc, d'un tiroir caisse à l'autre, tout finit dans le mien !
Pour en terminer, tout retrait non justifié, quand bien même il aurait été remboursé en totalité, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas, constitue un délit pénal ! (Et là le visage du prévenu se décompose, et son avocate rit jaune!)
La parole à l'avocate de la défense : M.Comets a beaucoup donné pour l'entreprise, le règlement intérieur, bof, on s'en passe ; les justificatifs tels que tickets d'autoroute et autres, quelle importance car les déplacements étaient bien réels puisque tamponnés ?
Mais notez que sur les 55.000€ non justifiés, il y a tout de même des kilomètres réels.
La présidente : M.Comets un dernier mot sur votre situation ?
Le prévenu : j'apporte une précision, je n'étais pas DSC en 2019 mais seulement DS ..(oh le vilain mensonge !)...Aujourd'hui, j'ai démissionné de l'entreprise, je suis en préretraite et mes revenus s'élèvent à 2.700€ par mois.
L'audience est levée, il est 22h . Jugement en délibéré pour le 21 décembre 2023.
Je ramène à l'hôtel l'avocat, très heureux d'avoir eu un représentant FO avec lui pour l'audience. Merci cher maître pour votre plaidoirie fort captivante.