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Le syndicat FO informe et défend le personnel MILEE

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MERCI A MARIANNE ET NATHALIE GATHIE

Ci-dessous vous pouvez lire l'article complet du journal Marianne dans lequel le président d'adrexo s'est exprimé.
Nous voulons remercier Marianne et surtout Nathalie Gathié pour son excellent article qui a le mérite de mettre en avant l'exploitation dans le monde de la distribution directe, les propos relatés ne sont que le reflet de ce qui se passe chez adrexo ou les salariés sont méprisés à longueur d'année, Nathalie Gathié a très bien decrit la situation que nous connaissons, bravo et merci.




Par Nathalie Gathié/Publié dans Marianne du 10 au 16 octobre 2009

 

Et si Lucien était un pionnier malgré lui ? Et si ce quasi octogénaire préfigurait la « France d’après », celle où il fera bon travailler plus et plus longtemps, comme le prêchent les bonimenteurs de la galaxie UMP ? Et si, pour compenser des pensions frappées d’anorexie, nous devions tous nous convertir à la religion de l’éternel turbin ? Sacralisation de la «réunionnite », criminalisation de la pêche à la truite . « J’ai sottement cru que les retraites étaient le patrimoine de ceux qui n’en avaient pas. Et regardez moi : à 78 ans, je cours les petits boulots pour garder la tête hors de l’eau » se désole Lucien, qui a commencé à mouiller la chemise à 16 ans. Depuis trois ans, cet ancien VRP perd sa fin de vie à la gagner. Salarié de peu, il est devenu un retraité de presque rien. A raison de contrats d’une dizaine d’heures hebdomadaires, ce grand-père roule pour une une filiale de la Poste dédiée à la distribution directe de prospectus. Lui s’use quand Médiapost, son employeur, abuse. « A incessamment monter et descendre de voiture pour glisser des revues publicitaires dans les boîtes aux lettres, je tyrannise mes articulationsmais mon discernement, lui, reste intact : je sais que je suis exploité et payé 4H quand j’en abats 6 mais je n’ai pas le choix : dans ce secteur d’activité, les cadences sont prédéfinies par ceux d’en haut et apparaissent dans nos contrats. En clair, qu’on les tienne ou pas, c’est le même prix ».

Très friande de papis en quête de revenus complémentaires, Mediapost surfe allégrement sur la vague du « cumul emploi retraite* » (CER). S’il a commencé par aimanter des dopés du boulot, cadres supérieurs ou experts de haut vol incapables de se réaliser hors du champ professionnel,ce dispositif draîne désormais un public « invité » à reprendre le collier pour améliorer un ordinaire, que les réformes Balladur, en 1993 puis Fillon, en 2003, ont méchamment entamé. Vous avez aimé les « emplois-jeunes », vous adorerez les « emplois-vieux », sussurent en coulisses les partisans d’une formule pour le moins contestable. Car enfin, sauf à vouloir orchestrer une sauvage concurrence des précarités, comment justifier le retour aux affaires des retraités, en ces temps où quinquas et jeunes actifs s’engluent dans les méandres du Pole-Emploi ? « En 2001, mes employeurs ont crié « pool ! » et je suis tombé : j’avais 49 ans, je drivais le service de formation continue d’une Chambre de Commerce, raconte Gérard Plumier. Trois ans et 2000 lettres de candidaturesplus tard, je n’avais pas rebondi. Produit périmé ». Auteur de « Chômage Senior, l’abécédaire de l’indifférence** », ce cadre plombé par son année de naissance martèle que « les salariés expérimentés font les frais d’une double peine : éjectés à 45 ou 50 ans parce que chers et insoumis, ils pataugent dans un trou noir jusqu’à 60et, faute de carrières pleines, doivent brader leurs compétences une fois pensionnés. Quinquas prétendûment « inadaptés » ,ils mutent en retraités «attractifs ». Obscène mais éclairant pour qui ignore encore que le seul dogme en vigueur n’est pas celui de la valeur travail mais de son coût ». S’il n’a pas choisi sa sortie, Gérard Plumier est, à 57 ans, maître de son jeu. « J’ai définitivement tourné le dos à l’entreprise, témoigne-t-il, les dés sont trop pipés. Aujourd’hui, je restaure des meubles, seul dans mon coin et je m’entends bien avec moi-même» ironise ce titulaire d’un DESS en sciences de l’éducation et d’un 3e cycle en management stratégique. Gâchis, vous avez dit gâchis ?« Présenté comme une opportunité supplémentaire,le cumula l’apparence du progrès, prévient Serge Volkoff, directeur du Centre de recherche et d’études sur l’âge et les populations au travail (CREAPT).Mais, si nous entrons dans une configuration où, parce qu’il est possible de concilier emploi et retraite, les pensions continueront inexorablement à baisser, nous serons dans un glissement pervers du droit au devoir ». Pour une frange des 300.000 « papy-boomers »qui donnent désormais dans l’activité après l’activité, cette prédiction a déjà l’âpre parfum de la réalité. Tous ne s’envisagent pas, loin s’en faut, comme des Jeannie Longo de l’attaché-case, des Jean Daniel de la pointeuse ni même des Robert Badinter des chaînes de montage. Non, si ces sexagénaires et quelques poussières rempilent, c’est précisément parce que le boulot ne leur a jamais fait de cadeau. « J’ai connu des périodes de chômage, entrepris des formations stériles et aujourd’hui, les caisses me versent quelque 900 euros par mois, confirme Lucien. Avec un loyer de 300 euros et des crédits à la consommation qui m’étranglent, je ne peux faire sans les 600 euros mensuels de Médiapost. Je vous assure que, tout ça, ce n’est pas pour m’offrir des fantaisies... Cet automne, je vais encore devoir emprunter pour acheter une voiture d’occasion, faute de quoi Mediapost, qui exige que nous ayions un véhicule, me rayera de ses tablettes ! ». Comme pour conjurer «un sort pas très juste », Lucien détaille ses allées et venues sur un calepin. «Quand je marque 150 arrêts pour alimenter 400 boîtes aux lettres, je sens le poids des ans. Pourtant, il faut que mon corps tienne : dès que j’arrêterai le cumul, je retomberai à mon niveau de pension initial etlà... Malgré tous mes efforts, je n’ai pas de mutuelle : 15 euros par mois, c’est trop, alors tant pis pour les soins dentaires et les lunettes. J’ai conscience que le pays vieillit, que le chômage monte en flèche et que le financement des pensions est un casse-tête mais je ne peux m’empêcher de penser que quelque chose ne tourne pas rond ». La voix de Lucien chevrotte un instant. Il s’en excuse et ajoute : « heureusement, j’ai une foi solide, elle me tient debout ». Mediapost ou le chemin de croix des « poivre et sel » dans la panade ? A considérer la pyramide des âges de cette boîte, il est permis de le penser. « En 2006, les 60-64 ans étaient quelque 900 et les plus de 65 ans 700 ; aujourd’hui, les premiers culminent à 1300, les seconds à 1050 alors que les moins de 25 ans, eux, peinent à atteindre les 700, précise Jean-Louis Frisulli, secrétaire général SUD-PTT en charge des filiales de moins en moins publique. Adepte du temps partiel subi, Mediapost considère les retraités modestes comme les nouveaux cobayes de la précarité ». Et le CER comme une aubaine. « Dans le bilan social de 2008, ajoute le syndicaliste, pas moins de 36 décès ont été recensés ! ». Trimer davantage et plus tard, disent-ils....A Neopress, autre « bébé » de la Poste consacré, lui, à la distribution directe des journaux, le troisième âge est également fort convoité. Pierre, titi de 71 ans, arpente ainsiles rues de Paris pour écouler quelque 140 canards chaque jour. Une tournée de trois heures quotidiennes, qu’il s’impose du lundi au samedi. «Avant, j’oeuvrais dans le commerce mais, au moment de raccrocher, je n’avais pas assez de points. Ce que je gagne à Neopress double presque ma pension : avec ça, j’ai pu m’acheter une literie » a-t-il confié au micro de France-Inter. Témoignage indirect, et pour cause... La Poste a renvoyé Marianne à ses chères études et verrouillé toutes les portes de Neopress : « Nous n’avons rien à cacher quant au recrutement des retraités dans nos filiales, notre ligne est claire, mais en cette période de crise, notre politique pourrait être mal interprétée, se sont embourbés les communicants-maison. Nous refusons de laisser penser que cette population vient chez nous, faute de ressources. En termes d’images, nous risquerions de passer pour des employeurs qui profitent des malheureux ».Le risque n’est pas nul, concédons-le ! Tout nouveau président du syndicat de la distribution directe (SDD) et directeur général d’Adrexo, concurrent direct de Médiapost, Frédéric Pons a une approche disons...moins complexée. Dans cette enseigne du groupe Spir, un tiers de l’effectif affiche plus de 50 ans.. «Le conditionnement puis la livraison de propectus est un exercice un peu physique pour cette main d’œuvre vieillissante mais honnêtement, j’estime qu’Adrexo rend service à ces gens : grâce à ce boulot, ils se maintiennent en forme et économisent un abonnement au gymnase-club. Rémunérés pour faire du sport : il n’y a pas de quoi crier au servage ! » plastronne ce quadra, dont l’humour peinerait même à égayer les fins de banquet du MEDEF.«Ici, les vieux sont au fond de la mine,, tonne Léonardo Milone, délégué FO de cette boîte qui collectionne les procédures Prud’hommales. Mais, le complément qu’Adrexo leur consent est vital. Alors, ils conditionnent les pubs dans des entrepôts souvent dépourvus de chauffage et soulèvent des piles de papier de 500g ou davantage chaque jour. Je vous raconte pas les troubles musculo-squelettiques!».Zola, réveille-toi, ils sont devenus fous ! « Le plus scandaleux, ce sont ces histoires de cadences pré-déterminées, poursuit Hervé Emmerich, conseiller technique FO de cette branche d’activité. Pour les anciens, chez Adrexo, les heures font 95 minutes et les kilomètres sont longs comme des miles marins ! Le drame, c’est que cette population est utilisée comme un instrument de régression sociale et tire malgré elle l’ensemble du salariat vers le bas » Flexible, docile, peu coûteuse...si là n’est pas la définition patronale de la main d’œuvre idéale, cela y ressemble fort. Les caisses de l’Etat aussi s’y retrouvent puisque Lucien, Pierre et les autres cotisent sans pour autant se tricoter de nouveaux droits. Tout bénef’ pour l’équilibre des régimes !

Aux yeux de dame Parisot et de son staff étrangement soucieux de ne voir aucun de leurs propos reproduits entre guillemets, le cumul serait un vertueux pas en avant, une chance pour les « sexa et plus » de dynamiser leur pouvoir d’achat anémié. Les petits frères de la CGPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) font, eux, moins de chichis et énoncent tout de go que« cette mesure vaut bien mieux que l’assistanat et le recours aux minimas sociaux» !! Bosse, bosse encore ou disparais. Cette injonction, Gilbert, 59 ans, l’a prise en pleine figure. En 2006 pourtant, il avait choisi de siffler la fin du match à la faveur du plan « carrières longues ».Commis de cuisine à 14 ans, il était devenu ouvrier dans le textile. La chaîne, les contremaîtres, les 3/8, cet homme usé en avait ras le bleu de chauffe. Veuf depuis 10 ans, il voulait « profiter du peu d’énergie » qui lui « restait » pour élever Orianne, sa fille de 13 ans. « Mais, avec une retraite de 1000euros, j’ai vite plongé dans le rouge à la banque et les huissiers n’ont pas tardé à rappliquer ». Depuis un an,Gilbert « usine de nouveau. Deux semaines par mois dans un abattoir pour 500 euros. C’est à dégueuler et le soir, quand je rejoins la petite, je suis moulu. J’ai le sentiment d’avoir pris une peine de boulot à perpète. Ce qui mefout en rage, c’est que ça condamne ma gamine à pousser toute seule ». Aléas de la vie et nouvelles donnes familiales participent largement de la montée en puissance du CER. « Avec deux Tanguy de 24 et 27 ans très, très incrustés à la maison, je ne goûte pas au confort de ma pré-retraite, confie Cécile, 59 ans. Pour booster mon budget, je collectionne les jobs de complément. Ces temps-ci, je joue les « Clientes Mystère » et sillonne les hôtels pour vérifier qu’ils sont en conformité avec leur charte qualité. Ça met une noix de beurre dans les épinards ».Père tardif d’un ado de 13 ans né de son second mariage, Serge, ex cadre commercial de 65 ans, assure, plusieurs week-ends par mois, des démonstrations dans des magasins de bricolage franciliens. « Lorsque je pense àmon fils, j’oublie mon arthrose, sourit-il. Sans les 90euros/jour de ces animations, finies les Play-Station et les baskets tendance ». Pour assumer la charge de sa mère octogénaire, Evelyne, infirmière laminée par des années de service de nuit, a dû renfiler sa blouse malgré ses 60 ans :« Avec une retraite moyenne de 1300 euros,, elles sont 30 à 40%à rempiler sous le sceau de l’interim, précise Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat National des Professions Infirmières (SNPI). Victimes d’une endémique pénurie de personnel, les établissements, publics comme privés, les accueillent à bras ouverts. C’est très sévère pour ces consoeurs, dont beaucoup sont usées, et dangereux pour les malades car elles n’ont plus la même acuité ». Présidente (CFE-CGC) de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, Danièle Karniewicz rappelle qu’ « il y a un moment que le patronat vend le CERcomme le quatrième pilier de l’assurance vieillesse. En langage clair, cela signifie qu’il faudrait cotiser aux régimes général et complémentaire, investir dans une formule d’épargne-retraite et une fois pensionné, continuer à travailler. C’est une tentation très dangereuse, qui sonnerait le glas de la solidarité intergénérationnelle en laissant entendre que la capitalisation est la seule parade au choc démographique ».Chacun pour soi, retraite pour personne ?

Aux Etats-Unis comme en Angleterre, il y a belle lurette que papis et mamies se retroussent les manches pour gagner leurs « burgers ».Au pays d’Obama, 16% des plus de 65 ans se démènent faute de pouvoir se dorer la pilule sur les plages de Floride. Et, écroulement des fonds de pension oblige, ils ne sont pas près de prendre leur ticket pour Miami. A échéance de 2016, le Bureau des Statistiques du Travail Américain prévoit que ces yankees-là seront quelque 46% ! Outre-Manche, malgré une durée de cotisation « extra large »- 49 ans pour les hommes , 44 pour les femmes-, le niveau maximum des « State Pension » s’élève, façon de parler, à 112 euros par semaine ! Une obole qui prive 11,8% des Anglais de tout droit à l’oisivité mais n’altère pas l’humour (du désespoir ?) des sujets de Sa Majesté. Dans le plus pur « british style », le 3 juin à Londres, quelques dizaines de gentlemen aux tempes grisonnantes ont manifesté nus tels des vers devant le Parlement pour pointer l’indigence de leurs rentes. Sous nos tropiques, les digues résistent encore mais jusqu’à quand ? Plus de la moitié des 14 millions de « rangés des open space »disposent , hors régime complémentaire, d’une pension de moins de 1000 euros. Et cela ne devrait pas s’arranger. Alors qu’en 1997, 4% des retraités avaient basculé sous la barre du seuil de pauvreté, ils sont aujourd’hui 10% à tutoyer le grand dénuement. CQFD.

A chaque fois qu’ «elle croise le regard d’un SDF », Liliane se ditqu’ « au premier gros pépin », ellepourrait « bien connaître la même dégringolade ». Ex-secrétaire bilingue, cette célibataire de 62 ansn’a pu réprimer un éclat de rire, lorqu’elle a appris qu’en espagnol, retraite se disait « jubilacion » : « dans le genre faux-ami, ça se pose là ! Moi, depuis que j’ai acquis mes droits à « jubiler», persifle-t-elle, je vis plutôt en mode consterné. Seule à Paris avec moins de 1100 euros mensuels, c’est injouable et encore j’ai un loyer modeste ». Quatre jours par semaine, Liliane s’occupe de Violette, 4 ans, en contrepartie de 450 euros versés en chèques emploi-service. « Cette gamine est un ange mais, après avoir engrangé tous mes trimestres, je rêvais d’autre chose. Et puis zut, jele confesse,, j’avais envie de me la couler douce : aujourd’hui, le dressage idéologique est tel, qu’on a l’impression que revendiquer son aspiration au repos est un crime contre les actifs » s’emporte-t-elle. Sur le principe, Liliane est « complétement hostile au CER subi : cela nous ramène à avant 1936, à ma grand-mère qui a transpiré jusqu’à tomber raide par terre, à ces vieux pauvres de l’immédiat après-guerre et encore, je ne suis pas la plus mal lotie... ». A force de temps partiels contraints, de rémunérations inférieures à celles de leurs mâles homologues et de parenthèses layette,les femmes paient cher la rançon de leurs carrières incomplètes : 850 petits euros mensuels en moyenne. «Avec ces rentrées d’argent là et zéro bas de laine, fini le libre-arbitre, tranche Liliane. C’est l’économie qui décide pour vous. On se dit pas « tiens, j’avais envie de voyager mais finalement, je vais retravailler »!  Parfois, je me dis qu’ils n’ont qu’à tous nous zigouiller, comme ça, on pèsera moins sur les finances publiques. C’est dingue, mais ça me fait un bien fou d’évacuer toute cette colère. C’est vrai quoi, aujourd’hui, être vieux,c’est pêcher, sauf si on estdiscount ».

Après Ed l’épicier, Ed le retraité ?Cumularde » jusqu’à l’année dernière, Nicole, 66 ans, « n’aime pas l’hypocrisie » : «bien-sûr que le CER est une bonne affaire pour les entreprises. J’ai quitté la PME d’événementiel qui m’employait comme comptable, en 2004. Et y suis revenue quelques mois plus tard. Je maîtrisais tellement ma partie qu’en deux jours et demi, j’avalais l’équivalent d’une semaine de boulot. C’était très mal vu par mes collègues. Ils me reprochaient de me substituer à un actif au chômage et c’était vrai. Pour preuve, lorsqu’ai décroché, mon patron a dû recruter un temps plein ». Oiseau très rare tant les décideurs répugnent à parler clair, le président d’un équipementier automobile reconnaît « réaliser de substantielles économies grâce à cette formule. Plusieurs jours par mois, je bénéficie de l’expérience d’un ex-directeur qualité de Renault. Et ce, contre un forfait annuel de 40.000 euros :une paille par rapport au salaire d’un senior actif de ce calibre ! ». Fondue du boulot au point de tonitruer que « même en cas de cancer », elle bosserait « entre deux chimios », Elizabeth, cadre ultra supérieur, a monté une entreprise unipersonnelle dès la retraite sonnée. « Je m’agite comme une brindezingue, c’est le nirvana, exulte cette célibataire de 66 ans. Pour mon client, une multinationale française, c’est le pied aussi :s’ils avaient embauché un senior de plus de 55 ans, issu comme moide la pharmacie, leur grille de salaire aurait volé en éclats ». Jean-Paul, jeune auto-entrepreneur de 62 ans, « verse dans le petit bricolage à domicile ». Et avoue sans ambage « prendre 15 euros de l’heure quand les artisans en réclament 40 ». Adhérent d’A Compétences Egales, un réseau de 40 cabinets de recrutement impliqués dans la lutte contre les discriminations à l’embauche, Marc Bernardin voit là « une perversion malheureusement prévisible. Si, comme le furent les femmes puis les immigrés, les retraités sont aujourd’hui instrumentalisés pour exercer une pression baissière sur les rémunérations et le coût du travail, il y urgence à allumer des contrefeux ». Variation sur les mêmes inquiétudes, Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT, redoute que «se crée un marché de l’emploi bis nourri de retraités sous-payés, dont une part du salaire serait financée, comble du cynisme, par les caisses de l’Etat».

Ce modèle de société, d’aucuns le refusent à toute force. « Cet hiver, notre jeune et libéral patron a approché des machinistes fraîchement retraités afin qu’ils pallient les absences de certains conducteurs, rapporte Joël Marchand, délégué CFDT de la société de transports Keolis, à Angers. Ce petit malin a tenté de nous appâter en nous promettant que le come-back des anciens nous permettrait de prendre enfin les récups, qui nousétaient refuséestellement nous fonctionnions à flux tendus ». La ficelle était grossière...Et a fait flop. « Nous avons illico menacé de débrayer et la boîte a rétropédalé, s’enorgueillit Joel Marchand. Keolis a les moyens de former des jeunes dans son école maison ou de payer des chauffeurs qualifiés au juste prix. C’était un ballon d’essai qui, si nous nous étions couchés, aurait fait école ». Contacté, le fringant dirigeant de Keolis s’est mis aux abonnés absents. Tout comme la RATP qui, au printemps, a pourtant pris la plume pour inciter de jeunes pensionnés à effectuer « des missions de courte durée » au sein d’Open Tour, une filiale qui exploite ses lignes de bus touristiques. Ecoeuré, le destinataire de l’un de ces courriers a bombardé la DRH d’une réponse assassine : « pendant 26 ans, j’ai combattu la course aux profits et la traque que la RATP a, au mépris de la pénibilité de notre métier, engagée contre des malades soit-disant imaginaires (...) Vous avez besoin de personnel ? Adressez-vous à l’ANPE ». Et cet ancien, que le CER n’attirera pas dans ses filets, de conclure par un : « Monsieur le responsable des ressources inhumaines, je vous adresse mes salutations, non pas distinguées mais définives ». Seuls cinq à six agents sur les quarante sollicités auraient accepté de reprendre le guidon le temps de la saison estivale. Quoiqu’en phase aigüe de dégraissage du mammouth, l’Education Nationale a, elle aussi, l’audace de courtiser ses dinosaures pour les convertir aux joies du CER. Sans scrupule aucun, les Inspections Académiques (IA) de Créteil puis d’Ille-et-Vilaine ontà plusieurs reprises tenté de réenrôler ceux qu’elles considèrent manifestement comme des réservistes. Battre le rappel d’ex-pros du tableau noir à l’heure du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est hardi! Dans la Sarthe, on n’a pas froid aux yeux non plus. Cet hiver, l’IA du cru a transmis aux mairies noms et adresses privés d’ex instits afin qu’ils assurent le service minimum lors de la grève du 29 janvier. « En clair, il nous a été demandé d’être des jaunes indemnisés sur les fonds constitués par les retenues sur salaires des enseignants grévistes », s’indigne Paul Barbier. Retraité depuis septembre 2008, il a « bien entendu décliné cette crapuleuse proposition. Pour moi, la solidarité entre les salariés, actifs, chômeurs ou retraités, n’est pas un vain mot. Savez-vous que sur les listes fournies aux communes figuraient les noms de collègues décédés, dont les conjoints ont parfois été contactés au téléphone ? ». Debout les morts ! Cela, même Frédéric Léfèbvre, chantre du travail des malades, n’aurait pas osé le suggérer.

 

Nathalie Gathié/Publié dans Marianne du 10 au 16 octobre 2009