🕑15 septembre 2020
EDITORIAL FORCE OUVRIÈRE section ADREXO
LA BADGEUSE : UNE LONGUE HISTOIRE. (1ère partie)
En ce temps-là, à la fin du siècle dernier et au début de notre nouveau millénaire, avant l'application
le 1er juillet 2005 de la Convention Collective Nationale de la Distribution Directe , ci-dénommée CCNDD, les distributeurs étaient employés sous le statut d'intermittents.
Ils travaillaient à la tâche, en fonction des besoins de l'entreprise, et donc avec des congés payés 10 % sur salaire sans obligation de repos, mais sans aucune garantie de revenus.
Toutefois, la préparation étant rémunérée sous forme de frais, donc sans charges patronales et salariales, les salaires étaient fort corrects au point que les distributeurs se battaient pour obtenir des
remplacements, alors que maintenant, ils s'enfuient pour les éviter.
Par contre, revers de la médaille, les salaires étant composés à 50 % de frais, gros problème pour les
retraites et les indemnités journalières Sécu. On ne peut pas tout avoir !
Les Pouvoirs Publics, notamment l'URSSAF, flairant le manque à gagner en cotisations, obligèrent
les entreprises de la distribution directe à négocier une convention collective dans les normes .
Et c'est ainsi que naquit la CCNDD, signée le 14 février 2004 et appliquée donc le 1er juillet 2005, après 10 ans !!! Oui,10 ans de négociations syndicats - patronat :Kicible rachetée en 2007 par Adrexo, Delta Diffusion rachetée en 2007 par La Poste pour créer Médiapost, et Adrexo.
La CCN remédia donc à tous ces inconvénients par des contrats en CDI, avec un minimum d'heures garanties et de vrais congés payés. Le pied !
CCN = Progrès social...En principe, oui . Mais !
Mais c'eût été trop beau. Ce ne fut que le rêve d'un jour, et un seul.
Les tournées désormais rémunérées en fonction d'un barème de temps de travail préquantifié, géniteur du temps théorique actuel, provoquèrent une baisse de salaire immédiate et imprévue de près de 30 % en moyenne.
Par quel artifice ?
Car l'entreprise devait subitement payer 45 % de charges sur la rémunération de la préparation passée de la case frais à celle salaires. Alors, pour maintenir sa marge, elle compensa cette augmentation de charges par une diminution équivalente des salaires en appliquant un temps de distribution préquantifié, sans aucun respect de l'annexe III de la CCN qui déterminait les cadences de distribution, par une interprétation et adaptation du texte à la sauce amère patronale, faisant fi du Code du Travail ; et ce ne sera qu'une répétition de ce qui allait nous attendre avec l'accord du 4 juillet 2016 et son temps théorique.
Chez Adrexo, c'est toujours le distributeur qui raque, c'est la sacro-sainte règle immuable.
A travail égal, salaire égal : passez votre chemin !
Comment cette convention collective, devant par nature apporter un confort social aux salariés,
pouvait-elle se retourner ainsi contre eux et s'asseoir de la sorte sur le Code du Travail qu'elle est censée respecter ? Oui, comment ? Elémentaire mon cher lecteur, quand on connaît la facilité de nos dirigeants à retourner en leur faveur toutes les situations qui leur sont préjudiciables.
Explication :
Le DRH de l'époque, Marcel Andreu, triste sire pour nous mais héros pour Adrexo, sollicita l'aide de l’État et obtint un décret exceptionnel dérogatoire au Code du Travail, exemptant les métiers de
la distribution directe du contrôle du temps de travail imposé par le Code et légalisant le principe
de la préquantification du temps de travail telle qu'inscrite dans la Convention Collective.
Ce monsieur, vous l'avez compris, a réussi à obtenir une modification du Code du Travail, rien que pour nous, quelle attention, ou plutôt pour les patrons, Adrexo et Média.
Il en résulta le décret n°2010-778 du 8 juillet 2010, additif au Code du Travail.
Il fallait immédiatement réagir et dénoncer en haut lieu toutes ces magouilles.
Et c'est FORCE OUVRIÈRE qui, une fois de plus, s'attela à dénoncer les effets pervers de cette préquantification libre sous emprise exclusive patronale, et exiger un contrôle effectif du
temps de distribution.
Le Code du travail, c'est 1 h travaillée = 1 h payée avec contrôle obligatoire du temps.
FO saisit donc le Conseil d’État, le seul à même d'annuler ce décret dérogatoire.
Le Conseil d'État se prononcera en faveur de FO le 28 mars 2012 (décision n°343072) et annulera le fameux "décret Andreu", mais ce n'est que 4 ans plus tard que sera signé l'accord du 4 juillet 2016, imposant la pointeuse mobile (badgeuse), sur proposition de FO, toujours et encore, avec application effective récente, le 14 août 2017.
Une Cour d'Appel, se fiant encore à ce fameux décret obsolète, vient d'être renvoyée dans les cordes
par un arrêt de la Cour de Cassation du 18 septembre 2019. Jurisprudence définitive.
Accord du 4 juillet 2016 = progrès social : en principe oui. Mais !
(à suivre)